3 questions à… Hugo Christy, fondateur de Demain Matin

Quand on parle vieillissement, à quel grand défi urbain, architectural ou immobilier pensez-vous ? 

Ni un hôtel, ni un hôpital  notre approche repose sur le principe qu’un EHPAD doit proposer une offre personnalisée. Dans ce contexte, nous pensons que l’EHPAD de demain sera amené à changer son offre de services.-6.png

En première approche, du strict point de vue immobilier et bâtimentaire, l’enjeu le plus pressant sera celui de l’adaptation du parc existant aux besoins de nouvelles classes d’âge. Le défi est coûteux, mais, finalement, relativement simple : multiplier les ascenseurs et supprimer en masse les emmarchements et baignoires qui transforment les logements en pièges mortels, et assignent les personnes à résidence. 

Une fois ceci dit, c’est pris à l’échelle de la ville et des territoires, et sans doute de la société toute entière, que le problème devient plus profond. Dire que les vieux méritent, eux aussi, leur place au cœur de la cité, au sens propre et au sens figuré, relève désormais du lieu commun. Mais à en juger la pratique, force est de constater que cela reste encore un choix courageux : il faut réaffirmer que les centralités, urbaines (centre-villes) ou rurales (centre-bourgs), ont tout à offrir à nos anciens

Le développement d’institutions et de logements spécifiques relégués aux périphéries, loin des yeux loin du coeur, sous la promesse de plains-pieds et de jardins verdoyants (et, en fait, le plus souvent, comme résultat de stratégies foncières avantageuses), en sont le symbole. L’adaptation à la transition démographique se pense tout à l’inverse comme un tout, à l’échelle de l’espace public, des armatures commerciales, des offres de transports, des tissus associatifs locaux.

Qu’est-ce que cela implique ?

En creux, c’est notre regard qui doit changer sur deux aspects fondamentaux :

Premièrement, la question des seniors dépasse de très loin celle de leur “prise en charge” par des professionnels du corps médical et para-médical. Certes, il s’agit de “prendre soin”, et ceux-ci jouent un rôle essentiel. Mais il faut encore élargir notre définition. Intégrer à la vie culturelle, citoyenne et démocratique locale, tisser les petites et grandes relations de voisinage qui font le sel de la vie collective, ouvrir l’accès aux commerces et services du quotidien, mettre nos rues, nos places et nos bancs publics en partage… sont autant de moyens d’entourer et de prendre soin. Aucune solution architecturale ou technologique ne remplacera jamais la puissance des liens humains - à la condition de ne jamais les imposer.

Derrière ce constat, c’est un changement de stratégie qui peut et doit se dessiner pour les collectivités. Rurales ou urbaines, toutes se trouvent face à la même équation délétère : “croître ou mourir”. Devenir sans cesse plus intenses, rapides et attractives, générer des emplois, se connecter aux grandes infrastructures de transport, attirer sans cesse de nouveaux actifs, de nouveaux touristes, de nouveaux diplômés… Sous peine de voir fermer les classes d’école, les crèches, les bistrots… Devant cette injonction, à quoi peuvent bien servir les vieux, les fous, les pauvres, les migrants les fragiles ?

Entourer, prendre soin, faire société, offrir au plus grand nombre les moyens de vivre dignement : ces nouveaux mots d’ordre, à l’inverse, offrent une matière tout à fait féconde pour les élus et les urbanistes qui le accompagnent dans leurs projets de territoires.


Pourquoi devenir partenaire de l'Université d'Été “Villes, Territoires & Vieillissement “ ? 

Demain Matin est une agence qui s’intéresse à l’avenir de nos villes, de notre planète, et de notre société. L’allongement de la durée de la vie, en bonne et en mauvaise santé (les deux sont vrais), est un mouvement de fond qui reste à bien des égards un angle mort dans la conversation urbanistique de notre époque. Elle télescope pourtant les autres grands défis de notre siècle, au premier rang desquels l’urgence climatique.

L’Université d’Été “Villes, Territoires & Vieillissement” participe à mettre cette question à l’agenda. Car les enjeux sont éminemment politiques : prendre à bras le corps un sujet qui doit mobiliser la société toute entière, mettre toutes les générations et tous les métiers autour de la table, sortir de l’invisibilité et du tabou une question qui, il faut le dire, semble nous gêner profondément - à un niveau intime, et même presque métaphysique. 

Enfin, j’attends de l’Université d’Été qu’elle nous aide à démêler les épineux problèmes qui sous-tendent sa thématique. Car le vieillissement est pétri de paradoxes. Pour ne citer qu’un exemple : parler du logement des seniors, c’est parler d’une classe d’âge qui a en sa possession, déjà aujourd’hui, l’immensité du patrimoine immobilier français (60% du parc appartient aux 25% les plus âgés). Et pourtant, les retraités sont une caisse de résonance pour les inégalités qui émaillent la société française : près de la moitié d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, en particulier les femmes, dont la pension moyenne dépasse à peine ce seuil.

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